Récompensé par le Goncourt 2019, Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon, le dernier Jean-Paul Dubois, sans constituer une lecture indispensable, offre au lecteur un moment agréable et distrayant. « Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon» nous prévient le titre. Pour Paul Hansen, le narrateur, il s’agit de s’adapter à la vie au pénitencier de Montréal dans une cellule de six mètres carrés, qu’il partage avec Patrick Horton, un Hells Angel en attente de jugement pour meurtre, « un homme et demi qui s’est fait tatouer l’histoire de sa vie sur la peau du dos – Life is a bitch and then you die – et celle de son amour pour les Harley Davidson sur l’arrondi des épaules et le haut de la poitrine. » Cet impressionnant compagnon de cellule se révèle au fil du roman bien plus sympathique qu’il n’y pouvait paraître. Sous sa carcasse de géant, Horton cache une âme d’enfant, effrayé par les rongeurs, intimidé par une visite de sa mère et tétanisé par des ciseaux de coiffeur. Les deux hommes apprennent au fil des jours à s’apprivoiser, à préserver ce qu’il faut d’humanité dans la promiscuité. L’omniprésence d’Horton est ce qui pèse le plus à Paul, il s’évade donc constamment dans souvenirs et rêveries, et accueille les fantômes qui lui sont chers : son père, le pasteur Jansen, sa femme Winona, sa chienne Nouk. Paradoxalement, Jean-Paul Dubois fait de la prison un espace où son personnage acquiert « une forme de liberté incroyable ». Ainsi qu’il l’explique lors d’une interview pour France Culture : « ces deux années vont lui permettre de reconsidérer le monde, de reconsidérer sa vie et de reconsidérer ses souvenirs, de vivre avec ses morts, de vivre ce passé, de comprendre tout un tas...