Don Quichotte, mise en scène Jérémie Le Louët
Pour la 30° édition des Fêtes nocturnes du château de Grignan, Jérémie Le Louët adapte et met en scène Don Quichotte avec la compagnie des Dramaticules. Transposer un roman-fleuve au théâtre et réaliser un spectacle grand public de qualité constitue un double défi, que ne parvient pas totalement à relever le metteur en scène.
Cela s’annonce pourtant bien, inventif et burlesque. Avec une parodie de conférence de presse fort bien menée : un metteur en scène déjanté entre mutisme et délire verbal et son traducteur maladroit et trivial ressuscitant le duo comique Don Quichotte/ Sancho Panza face aux questions des journalistes disséminés dans le public. Le parti pris était intéressant : représenter le tournage et ses difficultés comme une nouvelle quête impossible, le théâtre dans le théâtre pour le roman des romans, pourquoi pas ? On avait déjà vu cela récemment avec la mise en scène de Schiaretti transposant l’oeuvre dans un studio de radio et cela fonctionnait parfaitement et joyeusement avec la troupe du TNP.
Mais ici, très vite, on s’égare, on se perd. La musique – Bizet, Wagner, Hollywood…– la vidéo et les effets de lumière sur la façade renaissance du château – même assez réussis dans la scène des moulins à vent – ne suffisent pas ; il manque un fil, il manque un choix. Les épisodes se juxtaposent plus qu’ils ne s’enchaînent, malgré les interventions de la récitante. Des pistes multiples sont esquissées, se superposent (la représentation des lecteurs, la vie de la troupe, les rivalités entre acteurs…), se contredisent même parfois : sommes-nous dans le premier ou le second degré, dans le monde du théâtre (cérémonie des Molière) ou du cinéma (travelling, caméra, bruitage, clap de fin) ? Le jeu oscille entre burlesque et réalisme, le texte est inégal, jouant des décalages mais n’évitant pas les facilités démagogiques. Malgré la présence et le potentiel comique de certains acteurs (Julien Buchy/Sancho) on rit peu et on s’ennuie même parfois.
Au final, en dépit de quelques trouvailles et de quelques moments réjouissants, un spectacle confus et inabouti. Certes, les quarante représentations de l’été affichent complet, le public estival applaudit et semble ravi. Mais Cervantes méritait mieux. Les spectateurs aussi.
Don Quichotte, d’après Miguel de Cervantès, adaptation et mise en scène Jérémie Le Louët, compagnie des Dramaticules, Grignan du 24 juin au 20 août 2016, puis à Paris du 8 septembre au 9 octobre au théâtre13/Seine, le 14 octobre à Vitry, du 3 au 5 novembre à Châtillon (92), le 8 novembre à Herblay, le 18 novembre au théâtre Chevilly-Larue André Malraux (94), le 24 novembre à Meudon, les 29 et 30 novembre à Auxerre, le 10 décembre au Centre culturel des Portes de l’Essonne, les 13 et 14 décembre à Troyes.