Asif Kapadia a voulu faire « un film honnête et respectueux envers Amy ». Il a fait mieux. Présenté à Cannes hors compétition, le film retrace la vie d’Amy Winehouse, de son adolescence dans la banlieue nord de Londres à sa mort le 21 Juillet 2011. Le titre original « The girl behind the name » définit clairement les intentions […]
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]]>Asif Kapadia a voulu faire « un film honnête et respectueux envers Amy ». Il a fait mieux. Présenté à Cannes hors compétition, le film retrace la vie d’Amy Winehouse, de son adolescence dans la banlieue nord de Londres à sa mort le 21 Juillet 2011. Le titre original « The girl behind the name » définit clairement les intentions du réalisateur : raconter la jeune fille qui se cache derrière l’icône. Il en résulte un voyage bouleversant au cœur d’une existence hors norme. Superbe.
Dotée d’un talent unique au sein de sa génération, Amy Winehouse capte immédiatement l’attention du monde entier. Authentique artiste jazz, elle sublime ses failles personnelles grâce à ses dons de composition et d’interprétation. Cependant, l’équilibre est fragile : l’attention permanente des médias et une vie personnelle très tourmentée la conduisent aux pires excès. Elle accède bientôt au « club des 27 » en rejoignant toutes ces figures de la musique mortes à 27 ans, Jimi Hendrix, Janis Joplin ou encore Jim Morrison.
Le documentaire d’Asif Kapadia est d’une efficacité redoutable : à chaque instant, le spectateur se tient sur un fil entre émotion et distance. Les premières images du film pouvaient laisser penser que le réalisateur allait céder à la facilité : des vidéos amateurs nous projettent dans la maison, la chambre de l’adolescence, elles nous invitent aux anniversaires et aux réunions de famille. Ces instants volés avec une petite caméra grand public du milieu des années 90 pourraient être les nôtres, l’identification est aisée. Pour autant, le réalisateur ne sombre jamais dans le pathos. Le film est rythmé par de nombreux témoignages des proches d’Amy Winehouse, la plupart ont été enregistrés dans le cadre de la préparation du documentaire, et donc, après le décès de la chanteuse. Même si les voix sont lourdes, elles ne sont jamais larmoyantes. Les choix de montage du talentueux Chris King sont toujours pertinents.
Toujours sur un fil, le réalisateur nous projette au plus près de l’expérience émotionnelle d’Amy, on vit, on respire à ses côtés. La forme du documentaire épouse les soubresauts d’une existence chaotique. Pas de flashback ou de flashforward, le récit est rigoureusement linéaire. On consacre de longues minutes à ses problèmes d’addiction. Mais la fin de sa vie est traitée en un éclair, comme pour appuyer la brutalité de sa disparition. Asif Kapadia transforme le dénouement en un coup de théâtre et l’histoire en tragédie.
Ce travail d’équilibriste est soutenu par un scénario habile : le réalisateur a en effet construit la colonne vertébrale de son film à partir des paroles des chansons écrites par Amy Winehouse. Par le prisme de la musique, il a su pointer avec une très grande justesse les évènements clefs de la vie de la chanteuse, notamment sa rencontre avec Blake Fielder, personnage omniprésent qu’elle présente comme son âme sœur. Soyons clairs : la relation entre Amy W et Blake F est connue du grand public. La force du film n’est donc absolument pas de faire partager un scoop qui n’en est pas un. C’est dans la manière d’amener et de faire vivre cette relation au spectateur que le documentaire est touchant, car c’est Amy W qui a majoritairement la parole.
Et en effet, le caractère passionné de la chanteuse happe le spectateur jusqu’à la dernière seconde du film. Le réalisateur traite bien évidemment des multiples dérives toxicomanes du personnage. On comprend pourtant que ce n’est pas le cœur de son propos, car derrière la drogue et l’alcool, il y a avant tout, pour Amy W, la musique. Cette immense passion qui vit littéralement à l’intérieur du personnage. Viscérale, intouchable, d’une pureté quasi religieuse, la relation qu’entretient Amy W avec la musique impose autant le respect que l’admiration. Pour brosser le portrait de la chanteuse, le film s’attarde moins sur ses performances hors du commun que sur l’amour inconditionnel qu’elle porte à son art. On saisira l’essentiel de ce documentaire magnifique si l’on comprend qu’Amy W aura aimé la musique plus que sa propre vie.
Date de sortie: 8 Juillet 2015.
Réalisé par: Asif Kapadia.
Avec: Amy Winehouse, Mark Ronson, Tony Bennett.
Durée: 2h07.
Pays de production: Etats-Unis.
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]]>Après Naissance des pieuvres et Tomboy, Céline Sciamma place sa caméra au coeur de la banlieue et retrace le parcours de Marieme, jeune fille éprise de liberté. Comme dans ses autres films, la jeune réalisatrice brise les représentations et construit une morale de la liberté indispensable. Un très beau film. Bande de filles est le parcours […]
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]]>Après Naissance des pieuvres et Tomboy, Céline Sciamma place sa caméra au coeur de la banlieue et retrace le parcours de Marieme, jeune fille éprise de liberté. Comme dans ses autres films, la jeune réalisatrice brise les représentations et construit une morale de la liberté indispensable. Un très beau film.
Bande de filles est le parcours d’une adolescente noire dans une cité de région parisienne. Dès le début du film, le spectateur est plongé au cœur d’une vie déjà marquée par l’échec. Marieme vit au milieu de tours grises qui ne laissent pas de place à l’espoir d’une vie meilleure. Quand Céline Sciamma filme la banlieue, elle utilise un objectif grand angle qui noie la jeune fille dans un espace trop grand pour elle. La composition de l’image met en avant le contraste entre l’immensité des tours et la fragilité de l’adolescente.
Marieme, un peu boudeuse, semble éteinte et effacée, mais va évoluer au contact d’une bande de jeunes filles rebelles. Celle qui va être nommée Vic « comme Victoire » par la chef de bande va s’opposer à tout ce qui la comprime. La scène d’ouverture donne le ton : on assiste à un match de football américain, match féminin bien sûr. Musique pêchue, gros plans sur les visages qui s’entrechoquent : symboles d’un être qui se bat. Mais contre qui ? Contre sa mère qui voudrait faire d’elle une femme de ménage, contre son frère qui la flique… Bref, contre tous ceux qui voudraient réduire sa liberté.
Dans le propos de la réalisatrice, cette soif de liberté s’articule à des questions de société: comment survivre au cœur des violences des cités ? Comment décrocher son autonomie, son indépendance? Comment s’affirmer en tant que personne sans se faire rejeter par le groupe ? Comment écraser les stéréotypes et les préjugés qui réduisent la femme de banlieue à un être soumis à l’autorité des hommes ?
La réalisatrice brosse le portrait d’une jeune fille qui se cherche en tant que femme. Au début, Vic est une adolescente au look sportif et passe-partout. Au sein de sa bande de filles, elle s’autorise enfin à révéler sa féminité : elle lisse ses cheveux, se maquille. Dans le huis-clos d’une chambre d’hôtel, les adolescentes réinventent, le temps d’une soirée, un espace de liberté. Une scène bouleversante : plus de censure, plus d’hommes, on enfile des robes de princesses (peu importe si l’antivol est encore là !). On rit, on danse, on crie, sur un play-back de Rihanna. Elles sont magnifiques et brillent enfin…comme des diamants.
Mais cet épanouissement n’est que de façade, et Marieme ne peut s’en contenter. Au milieu de sa bande de copines qui s’expriment vite et fort, elle parle peu, mais elle seule essaie vraiment de faire plier la réalité. Elle est portée par un élan vital qui la dépasse et la pousse même à commettre des actes contraires aux lois de la cité. Quand le garçon qu’elle aime lui propose de se marier pour résoudre la crise, elle semble faillir (qui ne faillirait pas ?), l’accompagne quelques instants dans ce rêve commun, mais en ressort aussitôt. Il s’agit de se hisser hors de sa condition, hors de ce microcosme de banlieue où tout est déjà écrit, quel qu’en soit le prix. Comme dans ses précédents films, Sciamma fait voler en éclat les représentations du genre et propose une morale de la liberté.
La réalisatrice-scénariste, comme son personnage principal, ne s’exprime pleinement que par ses silences. Quand certains réalisateurs nous bombardent de mots, de musique, et de plans magistraux, Céline Sciamma, elle, laisse parler les silences et les regards avec une simplicité déconcertante. Et quand les mêmes s’épuisent à vouloir montrer, dire, informer, encore et encore, la jeune cinéaste de 34 ans, en un souffle, suggère, et nous fait comprendre l’essentiel. Elle nous apprend que ce qui est suggéré, justement, est bien plus puissant que ce qui est montré. Alors qu’elle fait la vaisselle, Marieme est sublimée par un travelling arrière, en légère contre-plongée, qui fait d’elle une combattante.
Sciamma nous touche au plus profond parce qu’elle ne se contente pas de raconter la vie de ce personnage au cœur de la banlieue, non, elle fait bien mieux, elle nous donne à voir l’expérience de cette vie. C’est de là que nait l’émotion. Dans Bande de filles, chaque plan est pensé dans un profond respect du spectateur et dans sa capacité à s’émouvoir par un simple mouvement de caméra ou par un regard. Sciamma les aime tellement, ces regards, qu’elle en fait sa signature. La dernière image de chacun de ses films est un gros plan sur le visage du personnage principal. Dans Tomboy et Naissance des pieuvres, c’était un sourire. Dans Bande de filles, c’est le regard de Marieme, déterminée, plus que jamais, à continuer la lutte.
Date de sortie : 22 Octobre 2014
Réalisé par : Céline Sciamma
Avec : Karidja Touré, Assa Sylla, Lindsay Karamoh, Mariétou Touré, Idrissa Diabaté, Djibril Gueye
Durée : 1h52
Pays de production : France
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