Bande de filles, Céline Sciamma
Après Naissance des pieuvres et Tomboy, Céline Sciamma place sa caméra au coeur de la banlieue et retrace le parcours de Marieme, jeune fille éprise de liberté. Comme dans ses autres films, la jeune réalisatrice brise les représentations et construit une morale de la liberté indispensable. Un très beau film.
Bande de filles est le parcours d’une adolescente noire dans une cité de région parisienne. Dès le début du film, le spectateur est plongé au cœur d’une vie déjà marquée par l’échec. Marieme vit au milieu de tours grises qui ne laissent pas de place à l’espoir d’une vie meilleure. Quand Céline Sciamma filme la banlieue, elle utilise un objectif grand angle qui noie la jeune fille dans un espace trop grand pour elle. La composition de l’image met en avant le contraste entre l’immensité des tours et la fragilité de l’adolescente.
Marieme, un peu boudeuse, semble éteinte et effacée, mais va évoluer au contact d’une bande de jeunes filles rebelles. Celle qui va être nommée Vic « comme Victoire » par la chef de bande va s’opposer à tout ce qui la comprime. La scène d’ouverture donne le ton : on assiste à un match de football américain, match féminin bien sûr. Musique pêchue, gros plans sur les visages qui s’entrechoquent : symboles d’un être qui se bat. Mais contre qui ? Contre sa mère qui voudrait faire d’elle une femme de ménage, contre son frère qui la flique… Bref, contre tous ceux qui voudraient réduire sa liberté.
Dans le propos de la réalisatrice, cette soif de liberté s’articule à des questions de société: comment survivre au cœur des violences des cités ? Comment décrocher son autonomie, son indépendance? Comment s’affirmer en tant que personne sans se faire rejeter par le groupe ? Comment écraser les stéréotypes et les préjugés qui réduisent la femme de banlieue à un être soumis à l’autorité des hommes ?
La réalisatrice brosse le portrait d’une jeune fille qui se cherche en tant que femme. Au début, Vic est une adolescente au look sportif et passe-partout. Au sein de sa bande de filles, elle s’autorise enfin à révéler sa féminité : elle lisse ses cheveux, se maquille. Dans le huis-clos d’une chambre d’hôtel, les adolescentes réinventent, le temps d’une soirée, un espace de liberté. Une scène bouleversante : plus de censure, plus d’hommes, on enfile des robes de princesses (peu importe si l’antivol est encore là !). On rit, on danse, on crie, sur un play-back de Rihanna. Elles sont magnifiques et brillent enfin…comme des diamants.
Mais cet épanouissement n’est que de façade, et Marieme ne peut s’en contenter. Au milieu de sa bande de copines qui s’expriment vite et fort, elle parle peu, mais elle seule essaie vraiment de faire plier la réalité. Elle est portée par un élan vital qui la dépasse et la pousse même à commettre des actes contraires aux lois de la cité. Quand le garçon qu’elle aime lui propose de se marier pour résoudre la crise, elle semble faillir (qui ne faillirait pas ?), l’accompagne quelques instants dans ce rêve commun, mais en ressort aussitôt. Il s’agit de se hisser hors de sa condition, hors de ce microcosme de banlieue où tout est déjà écrit, quel qu’en soit le prix. Comme dans ses précédents films, Sciamma fait voler en éclat les représentations du genre et propose une morale de la liberté.
La réalisatrice-scénariste, comme son personnage principal, ne s’exprime pleinement que par ses silences. Quand certains réalisateurs nous bombardent de mots, de musique, et de plans magistraux, Céline Sciamma, elle, laisse parler les silences et les regards avec une simplicité déconcertante. Et quand les mêmes s’épuisent à vouloir montrer, dire, informer, encore et encore, la jeune cinéaste de 34 ans, en un souffle, suggère, et nous fait comprendre l’essentiel. Elle nous apprend que ce qui est suggéré, justement, est bien plus puissant que ce qui est montré. Alors qu’elle fait la vaisselle, Marieme est sublimée par un travelling arrière, en légère contre-plongée, qui fait d’elle une combattante.
Sciamma nous touche au plus profond parce qu’elle ne se contente pas de raconter la vie de ce personnage au cœur de la banlieue, non, elle fait bien mieux, elle nous donne à voir l’expérience de cette vie. C’est de là que nait l’émotion. Dans Bande de filles, chaque plan est pensé dans un profond respect du spectateur et dans sa capacité à s’émouvoir par un simple mouvement de caméra ou par un regard. Sciamma les aime tellement, ces regards, qu’elle en fait sa signature. La dernière image de chacun de ses films est un gros plan sur le visage du personnage principal. Dans Tomboy et Naissance des pieuvres, c’était un sourire. Dans Bande de filles, c’est le regard de Marieme, déterminée, plus que jamais, à continuer la lutte.
Date de sortie : 22 Octobre 2014
Réalisé par : Céline Sciamma
Avec : Karidja Touré, Assa Sylla, Lindsay Karamoh, Mariétou Touré, Idrissa Diabaté, Djibril Gueye
Durée : 1h52
Pays de production : France
Moi j’ai beaucoup aimé la première partie je suis complètement d’accord avec le début de cet article et puis à partir de quand le frère lui met un coup j’ai trouvé ça peu crédible entendu vu et revu en mieux.. ça sonne faux bref sans parler de la fin…
Peu de dialogues ? Mais tout est expliqué montré bref dans le même style je préfère largement « l’esquive » qui lui était bien plus réaliste moins expliqué et mieux joué. Sans en faire des tonnes la vie en banlieue était là. La c’est un mélange de « la haine et de l’esquive » ça va trop loin dans le cliché… c’est parfois presque risible (par exemple quand elle se déguise pour aller dealer)
Dans l’article on ne parles pas de la relation avec sa soeur (ou j’ai lu trop vite) qui est très belle et c’est assez réussi d’ailleurs
Céline Sciamma n’est pas une mauvaise réa, elle a de bons sujets mais il y a toujours un problème de crédibilité dans ses films elle veux trop en faire, trop faire voir…
Mais bon c’est ça le cinéma, c’est un art que chacun regarde et voit différemment avec ce que l’on est…