Les Invisibles, Roy Jacobsen
Comme le roman victorien, russe ou picaresque le roman scandinave constitue presque un genre à part entière. Il est fait de récit initiatique, d’évocation de la vie rustique au rythme de la nature, des tempêtes et des saisons, de lutte incessante et toujours recommencée contre les éléments.
Les Invisibles du norvégien Roy Jacobsen raconte ainsi la vie âpre et rude de la famille Barroy, paysans-pêcheurs au début du XX ème siècle, sur une petite île au sud des Lofoten. Ingrid a trois ans quand le roman commence, « une longue chevelure de la couleur du goudron, des yeux pétillants et des pieds qui ne connaitront pas de chaussures avant octobre. Mais d’où tient-elle ces yeux, où la bêtise morne de la pauvreté est tellement absente? » A sept ans, elle sait vider les poissons, mailler les filets de pêche, nettoyer le duvet d’eider, retourner les briques de tourbe; à douze ans, « elle sait à peu près tout faire. » Elle rêve de découvrir le vaste monde mais « lorsque l’on vit sur une île on n’en part jamais, on ne sait pas qu’une île s’accroche à ce qu’elle a, de toutes ses forces. » Quand le roman finit, elle est devenue mère, elle a connu l’irruption de la tragédie, l’adversité et les fantaisies du destin et avec cette force de vie qui est sienne, elle a fait face.
C’est simple et beau, limpide et fort.
Les Invisibles, Roy Jacobsen, traduit par Alain Gnaedig, Folio, 2019, 298 pages.