Interstellar, Christopher Nolan
Dans une odyssée galactique incroyablement spectaculaire, Christopher Nolan a l’ambition démesurée de nous faire éprouver la relativité et de livrer les secrets enfouis au coeur de l’Univers. Malgré ses grosses ficelles, mission accomplie pour Interstellar…
La terre se meurt des hommes qui l’ont trop exploitée. Elle se rebelle, oblige ses hôtes à vivre d’une agriculture limitée et les soumet aux tempêtes de sable qui ravagent les foyers et les poumons. Heureusement, la Nasa a un projet secret qui vise à envoyer notre espèce sur une planète habitable. Cooper, le chuchotant Matthew McConaughey, sera le pilote de cette mission ; il est le meilleur que la Nasa ait compté dans ses rangs, avant qu’il ne devienne, comme la plupart des hommes en âge de travailler la terre, un fermier doublé d’un père de famille. Mais Cooper appartient à la race des pionniers, des explorateurs, les yeux toujours rivés sur le ciel. Bref, c’est un Américain. Et il doit sauver le monde par un voyage interstellaire qui le mènera bien loin de chez lui et de ses enfants… Voyage durant lequel le spectateur découvre que l’amour transcende le temps et l’espace, qu’il fait de nous ce que nous sommes. Comme la singularité cachée au cœur du trou noir, l’amour est le secret humain que veut nous dévoiler Christopher Nolan.
Bon. Il y a deux façons d’apprécier la dernière livraison de Christopher Nolan. On peut légitimement s’exaspérer des grosses ficelles avec lesquelles le film est construit : une morale de café du commerce (qu’il nous avait déjà peu ou prou infligée dans Inception), des contrastes sonores exubérants, un héros qui donne tout pour sa famille et son monde (un Américain donc), des séquences épiques, d’un pompier assumé. Sans compter une dernière demi-heure ésotérico-mystique qui a le malheur de vouloir résoudre le récit et le refermer après qu’il s’est délité pour notre plus grand plaisir dans les confins spatio-temporels.
Il faut cependant admettre qu’avec une grammaire cinématographique grossière, Nolan actionne les leviers d’une gigantesque machine à rêves. Interstellar relève d’une ambition démesurée, à l’image du voyage qu’il donne à voir. Comme le vaisseau de Cooper, le film orbite aux limites du trou noir artistique. Il évolue sur une étroite ligne de crête et risque à chaque instant de verser dans la grossièreté visuelle et le pathos écoeurant. Or, en choisissant d’assumer à chaque instant le spectaculaire en puissance dans son scénario, Nolan fait son cinéma comme on réalise un rêve de gosse. Avec Interstellar, on voyage à l’autre bout de l’Univers, on traverse des « wormholes », on explore le cœur inconnu des trous noirs. Les mondes que le film nous fait découvrir sont à son image, simples, élémentaires, mais ils recèlent un pouvoir d’imaginaire que Nolan exploite à fond.. L’espace est formidable et colossal ? La musique se doit de l’être aussi. Alors Hans Zimmer sort les orgues, jouées fortissimo. On voyage dans l’espace et le temps là ! Pas question de chipoter sur l’importance et la radicalité des moyens mis en oeuvre.
Le temps d’ailleurs, Nolan veut nous en faire ressentir la relativité et y réussit brillamment. Une fois parti, Cooper n’a qu’une hâte, revoir ses enfants qui vieillissent inexorablement plus vite que lui. Lorsqu’il revient d’une mission de quelques heures sur l’un des mondes potentiellement habitables, où le temps s’écoule très lentement, 23 années ont passé et l’astronaute visionne deux décennies de messages envoyés par sa petite Murph et son frère Tom. L’effet mélodramatique est redoutable, MacConaughey bouleversant.
Dans Interstellar, tout est affaire de synchronisation. Alors que le temps s’écoule bien différemment sur terre et à l’autre bout de l’univers, tout l’enjeu est d’être raccord. Deux vaisseaux qui doivent tournoyer à la même vitesse, au bord d’un gargantuesque trou noir ; Cooper et sa fille qui, malgré l’infinie distance entre eux, cherchent à se retrouver (traduit dans un simpliste, mais percutant montage parallèle). De même, au spectateur de se synchroniser avec ce spectacle délirant et enfantin. Nolan fait du cinéma un usage élémentaire : un écran immense et du gros son suffisent pour nous immerger dans cette œuvre jouissive, pharaonique, toujours au bord de l’implosion.
Date de sortie : 5 novembre 2014
Réalisé par : Christopher Nolan
Avec : Matthew McConaughey, Anne Hathaway, Michael Caine
Durée : 2h49
Pays de production : Etats-Unis