Maps to the stars, David Cronenberg
Il existe chez David Cronenberg une fascination pour la monstruosité qui court à travers son œuvre. De La Mouche à son dernier Maps to the Stars en passant par Faux-semblants, le Canadien filme régulièrement des monstres en actes. Certes, tous n’ont pas l’hideux visage de Jeff Goldblum dans le film mythique de 1986, mais tous ont abandonné, au profit d’un rêve fou et (auto)destructeur, une part de leur humanité.
Dans son nouveau long métrage, il n’y a presque personne à sauver. En tout cas pas la jeune Agatha dont on suit dès l’entame du film la venue à Hollywood. Une partie de son visage et de son corps est recouverte de brulûres dont on soupçonne vite qu’elles sont les stigmates d’un horrible secret. A la recherche d’un job, elle est engagée comme assistante (« slave » dit-on là-bas) par l’actrice Havana Segrand, brillamment interprété par Julianne Moore ; laquelle est presque défigurée tant elle s’efforce de conserver une apparente fraîcheur et une jeunesse qu’elle a définitivement perdues. Enfin, on ne sauvera pas la famille Weiss, et particulièrement le fils Benjie, jeune star infecte d’une franchise destinée au jeune public. Tous vont se croiser dans un ballet ridicule et épouvantable.
Car chaque scène est un jeu de massacre. Une occasion de nous rappeler que derrière l’apparent glamour tout sourire, se cachent des animaux, prêts à tout, à emprunter les voies les plus tortueuses pour atteindre les étoiles. Ainsi, Stafford Weiss, interprété par l’excellent et répugnant John Cusak, joue les gourous du développement personnel, toujours prêt à débusquer chez ses clientes l’enfant qui sommeille en elles. En réalité, il est mû par une violence insondable, elle-même nourrie par un sordide secret de famille que le film nous révèlera. Là encore, le soin apporté à lui composer un visage à la fois vieux et artificiellement jeune fonctionne parfaitement. La nausée n’est jamais bien loin lorsque Cronenberg filme de près ces monstres en puissance.
La réalisation absolument maîtrisée du Canadien, soutenue par une lumière et une image léchées, joue à plein son rôle ambigu. Miroir aux alouettes, elle manifeste l’apparente beauté du monde hollywoodien et révèle en même temps les perversions de ce lieu infiniment dénaturé et corrompu. Il n’est qu’à voir Julianne Moore, assise sur le trône, confier à Agatha une liste de courses, lâchant gaz sur gaz, persuadée de garder dignité et supériorité sur son assistante… Cependant, et malgré cette maestria, on ne peut pas s’empêcher de se dire que la critique acerbe d’Hollywood et de ses acteurs est quelque peu convenue. D’autres auparavant, à leur manière, ont entrepris de déconstruire le rêve hollywoodien (du Player d’Altman au Mulholland Drive de Lynch) et parfois avec plus de finesse.
Non, la véritable réussite du film repose sur la présence permanente des palliatifs (drogues, séances pseudo-psychanalytiques, succédanés de pratiques zen) qui tout à la fois soutiennent les personnages et leur masquent leur inexorable déchéance. Ce propos-là, résolument plus original, ouvre de belles perspectives et autorise Cornenberg à flirter avec le fantastique. Benjie et Savanah notamment sont tourmentés par des visions d’enfants morts ; leur inconscient coupable vient frapper à la porte.
Maps to the stars navigue entre un grotesque dérangeant et un tragique risible. Mais la fin s’avère terrible pour tous ceux qui ont laissé sur la route des rêves une part de leur humaine condition. Dans la Cité des Anges, les monstres sont rois. Jusqu’à la chute inéluctable.
Date de sortie : 21 mai 2014
Réalisé par : David Cronenberg
Avec : Julianne Moore, John Cusack, Robert Pattinson, Mia Wasikowska
Durée : 1h51
Pays de production : Canada, USA, France, Allemagne