Star Wars – Le Réveil de la force, J.J. Abrams
Une jeune pilleuse d’épaves et un stormtrooper défroqué rejoignent la Résistance pour retrouver Luke Skywalker avant le sinistre Premier Ordre. J.J. Abrams revisite avec succès le plus grand mythe populaire du vingtième siècle.
Bouche ouverte, sourire aux lèvres et chatouilles à l’estomac, la présente critique pourrait se limiter à cette triade essentielle. Car retrouver Star Wars, c’est se glisser à nouveau au fond du canapé en skaï de ses parents, un soir de Toussaint, au début des années 1990. C’est retrouver la voix française nasillarde de Solo qui interpelle « Chico » et provoque Leia, c’est sentir sa moustache frémir sous la musique de John Williams, se laisser bercer par cette ambiance irréelle, inimitable. A la nouvelle du rachat de Disney, devant la formidable promesse d’un retour de l’ambiance seventies agrémentée des prouesses technologiques contemporaines, c’était comme si l’on avait appris que Stefan Edberg n’avait que 22 ans et qu’il jouerait la finale de Wimbledon 2016 contre Roger Federer. Bref on était contents.
De fait, JJ Abrams n’a pas pris les fans pour des Gungans. L’ensemble est une suite à la logique implacable qui respecte scrupuleusement la trilogie originale. Sans doute un peu trop d’ailleurs. Car le souci de rameuter les fans et d’en conquérir de nouveaux fait de cet opus une œuvre diablement consensuelle : l’intrigue ne possède pas la moindre audace et tourne souvent au pastiche. Etoile de la mort, bataille de X-Wings, méchant masqué hésitant entre l’ombre et la lumière, généalogie des Skywalker réactivée, filiation et parricide…Tous les ingrédients sont là et donnent l’impression d’une vaste arnaque. Alors quoi ? Difficile pourtant de se positionner tant le plaisir est grand de patauger dans ces artifices usés jusqu’à la moelle. JJ Abrams est un maître du genre et sa réalisation au cordeau parvient sans mal à recréer le souffle épique et à entretenir la mythologie propre à la saga. Le rythme est impeccable, l’image est belle : les séquences où les personnages se meuvent dans les ruines de l’Empire sont à se damner. Abrams parvient à tenir une ligne narrative limpide vers laquelle affluent les multiples sous-récits. L’enjeu principal, retrouver Luke Skywalker, assure à l’ensemble une cohésion simple et salutaire. De la belle ouvrage. En somme, si l’épisode suivant parvient à couper véritablement le cordon et à se défaire de l’imposant complexe de la trilogie originale, The Force awakens aura été une transition géniale, une introduction fabuleuse. S’il conserve le même registre, il sera permis d’évoquer une machine à fric sans grand intérêt cinématographique, dont les clins d’œil et références ne raviront que les plus fervents nostalgiques de Vador.
La qualité des nouveaux personnages permet en tout cas d’espérer le meilleur : Rey, jeune pilleuse d’épaves ultra sensible à la Force mais à l’origine inconnue brille par sa puissance tranquille et par l’insondable tristesse qui l’habite. Elle est accompagnée de Finn, un stormtrooper pas comme les autres qui déserte le funeste Premier Ordre et amuse par ce courage profond mais brouillon dont il n’a nulle conscience. Le duo fonctionne admirablement et évoque la candeur de Luke dans cette fuite en avant, toujours en avant, mue par les impératifs moraux qu’impose le seul instant présent, sans nuance et sans recul. La présence des anciens est parfaitement dosée. Seule Leia, générale à la fougue étouffée par une raideur cadavérique anticipée, déçoit. Du côté obscur, Kylo Ren, ersatz assumé de Dark Vador, doit encore prouver sa valeur : ses colères adolescentes et ses doutes (tenté qu’il est par le côté lumineux, un comble) sont prometteurs, mais quelques unes de ses apparitions condensent tous les ratés du films : répliques lourdes et convenues, incohérences situationnelles évidentes devront être gommées s’il veut gagner en épaisseur et en crédibilité. Il a néanmoins le mérite de réactiver, en l’inversant toutefois, le propos central de la saga, la lutte entre le Bien et le Mal, lutte limpide quand elle est collective (Premier Ordre versus Résistance, côté obscur versus côté lumineux), mais diablement complexe quand elle est se joue au plus profond de l’individu. Un mot, enfin, sur la scène finale, dont on taira le contenu : la jouissance qu’elle suscite en fait certainement l’un des cliffhangers les plus exaltants de l’histoire du cinéma.
Et puis, au diable nos réserves ! C’est Star Wars, bon Dieu ! Tous les défauts et menues déceptions n’y feront rien. S’il vous reste une once d’âme enfantine et si vous avez frémi, rien qu’un peu, devant les vociférations désespérées de Luke ou la tragique cryogénisation de Han Solo, nul doute n’est permis : vous seriez bien idiot de manquer l’immense plaisir que suscite cette quintessence absolue du grand spectacle hollywoodien.