C’est une histoire incroyable que nous rapporte la journaliste Delphine Minoui: dans la ville de Daraya assiégée par les forces syriennes, de jeunes combattants créent une bibliothèque clandestine. Des livres sous les bombes, rempart fragile et dérisoire; une histoire tragique et cependant pleine d’espoir. Daraya, ville de la banlieue de Damas réputée pour ses terres fertiles et son doux raisin, est devenue ville martyre. Dès 2002, les premiers mouvements d’opposition ont entraîné une répression sanglante. Après les manifestations de 2011 et 2012, la ville est assiégée et bombardée sans trêve par l’armée de Bachar al-Assad. Bombes barils, armes chimiques, la ville est en ruines. Dans la cité qui comptait 250 000 habitants avant la révolution ne subsistent plus que 12 000 survivants qui manquent de tout. Beaucoup ont pris le chemin de l’exil, d’autres sont morts. Sous les gravats, sous les décombres des écoles et des maisons, les combattants trouvent des livres, les récupèrent. Peu à peu, des milliers d’ouvrages sont stockés. Qu’en faire? En 2013, dans le sous-sol d’un immeuble, ils aménagent une bibliothèque avec ses rayonnages, son classement, son règlement comme un îlot d’ordre au sein du chaos, un îlot de culture et de démocratie. C’est ainsi qu’ils deviennent Les passeurs de livres de Daraya. Pour pallier la pénurie d’ouvrages et de papier, les titres les plus demandés sont téléchargés, consultés sur les portables, imprimés sur des feuilles A4 en caractères minuscules. Pour répondre à la soif de savoir de ces étudiants privés d’université, des cours d’anglais, de science politique, des projections de courts métrages sont organisés. La bibliothèque devient lieu de rencontre, de résistance et même d’édition d’une petite revue photocopiée où se mêlent poésie, conseils pratiques et auto-dérision. Mais que lit-on sous les bombes? Bien sûr, des classiques – Shakespeare,...