De livre en livre Antoine Choplin poursuit son exploration des rapports entre engagement et création et donne la parole aux gens simples. Dans Quelques jours avec Tomas Kusar, il évoque dans la Tchécoslovaquie communiste la rencontre d’un jeune garde-barrière avec l’écrivain dissident Václav Havel. Une belle histoire d’amitié, de courage et d’humanité. Quel personnage plus approprié en effet que celui de Václav Havel, écrivain, homme de théâtre, militant des droits de l’homme et premier président de la république tchèque pour poser les questions de l’art et de l’engagement? Mais, comme l’indique le titre, le personnage principal du roman n’est pas Václav Havel mais Tomas Kusar, le cheminot taiseux de Trustov, «un petit gars valable», amoureux de la forêt, des oiseaux et de la jolie Lenka. Un homme simple que rien ne destinait à se retrouver un jour au balcon du Château de Prague aux côtés du président. Tout commence par une brève rencontre entre le dramaturge pragois et le garde-barrière, lors d’une représentation interrompue de la troupe de la Balustrade, à l’occasion du bal des cheminots. Un verre de vodka, une poignée de mains et quelques propos échangés. Cinq ans plus tard, Tomas reconnaît Václav devenu employé de brasserie; une amitié naît peu à peu au cours de soirées au café entre verres de bière et parties d’échecs. C’est ainsi que le jeune homme va progressivement, insensiblement entrer en dissidence, cacher dans un coin de son atelier des samizdats, poster des exemplaires de la Charte des droits de l’homme, au point de perdre son travail et son logement. Accueilli par Václav et Olga, il vit alors dans la grange de Hradecek à côté de leur maison, partageant leur intimité et leurs activités clandestines, concert de rock, copies manuscrites des pièces interdites, pétition pour la...
Nous nous sommes tant aimés, Ettore Scola
écrit par Marie-Anna Gauthier
Gianni, Nicola et Antonio se lient d’amitié pendant la guerre : ils appartiennent tous les trois à la résistance et combattent farouchement dans le maquis contre l’occupation allemande. A la libération, un monde nouveau s’ouvre à eux. Militants fervents de la révolution, ils abordent cette nouvelle période de l’Histoire nourris de rêves et d’illusions. Le film raconte alors le parcours de ces trois hommes, confrontés à la réalité de l’Italie de l’après-guerre. Le spectateur suit leurs destins individuels sur une trentaine d’années : chacun se raconte par l’intermédiaire d’une voix off superposée aux images. Le film alterne ainsi les trois points de vue, chacun se faisant le narrateur de sa propre histoire. Entre ces trois hommes se trouve une femme, Luciana, aspirante actrice, qui aura une aventure avec chacun d’entre eux. De manière assez classique, la femme est l’élément qui vient signer la rupture entre les trois amis. Cependant, le spectateur comprend que le conflit n’est pas tant sentimental qu’idéologique : quand ils se retrouvent vingt-cinq ans après, le fossé qui existait déjà entre eux est devenu immense. Comme le dit l’un des personnages, « nous voulions changer le monde, mais c’est le monde qui nous a changés ». Gianni incarne ainsi le personnage du riche parvenu, celui qui a trahi ses idéaux de jeunesse, par ambition d’abord, mais sans doute aussi par simple cupidité. Mais paradoxalement, ce n’est pas avec lui que Scola est le plus sévère : bien qu’il le dépeigne dans toutes ses compromissions, ses lâchetés, ses traîtrises, le personnage n’en reste pas moins grand et dans une certaine mesure respectable. A l’inverse, même si Antonio et Nicola ne se sont pas compromis et qu’ils sont restés fidèles à leur ligne idéologique, Scola s’en amuse et fait d’eux de sympathiques ratés. Les voilà embourbés dans une existence...