Roman fluide et prenant, Par les routes de Sylvain Prudhomme évoque, à travers l’histoire croisée de deux amis, la multiplicité des possibles et les aspirations contraires. Sacha, écrivain parisien, la quarantaine, décide de tout quitter. « Envie de table rase. De concentration. De calme. » Il vide ses placards et ses étagères, part avec deux sacs de livres et de vêtements dans un meublé à V., petite ville du Sud-Est de la France. « En route pour la vie que je voulais. Ramassée. Sobre. Dense. » Mais il y retrouve par hasard un ancien ami perdu de vue depuis depuis dix-sept ans. Apparemment installé – une femme, un enfant, une maison (en location) – celui qu’il nomme « l’autostoppeur » est régulièrement pris de l’envie de partir à travers la France en auto-stop. Au cours de ses voyages, de ses échappées, il envoie des cartes postales et des polaroïds, portraits des automobilistes qu’il a rencontrés. Peu à peu, les liens se tissent entre Sacha et la famille de son ami, sa femme Marie, son fils Agustin; Sacha devient de plus en plus présent, l’autostoppeur, de plus en plus absent; il s’éloigne jusqu’à disparaître. Le propos du livre est cependant moins de raconter une histoire d’amour qu’une histoire d’amitié, on pourrait presque dire de gémellité. Sacha et l’autostoppeur, celui qui reste et celui qui part, sont à la fois proches et opposés. Leurs désirs semblent contraires mais dans les deux cas il s’agit de liberté, d’indépendance, de solitude et de rencontres nouvelles. On peut même parfois se demander, puisque l’auto-stoppeur n’est jamais nommé, s’ils ne sont pas au fond qu’un seul et même personnage, incarnant les facettes contradictoires d’un même individu. Comme dans le Famous Blue Raincoat de Leonard Cohen, cet ami ne serait-il qu’un double « une figure de sa jeunesse, de...
Roman américain, Antoine Bello
écrit par Guillaume Moreau
Vlad Eisinger est journaliste au Wall Street Tribune et réalise une série d’articles autour d’un nouveau produit financier dont seule l’Amérique a le secret. Il étudie les rouages du life settlement, qui consiste à racheter les assurances-vie de particuliers en comptant sur leur décès prochain pour rafler la mise. Ce procédé est l’occasion de dérives moralement suspectes. Son terrain d’enquête est la petite ville de Destin Terrace, une bourgade de Floride où se croisent les professionnels de l’assurance, du life settlement et de simples retraités. Dan Siver, le deuxième narrateur de ce Roman Américain vit seul au sein de cette petite société, qu’il observe avec distance. Loin des combines financières, lui rêve d’écrire le prochain grand roman américain. Les personnages de Destin Terrace et la littérature sont d’ailleurs les deux sujets privilégiés des mails que s’échangent régulièrement Siver et Eisinger, bons amis depuis l’université. Le dernier roman d’Antoine Bello fait ainsi se succéder les articles de journaux, qui ouvrent chaque chapitre, les mails que s’envoient les deux compères et le récit de Dan Siver sur la vie à Destin Terrace. Son œuvre n’a volontairement rien d’un grand roman américain : on perçoit rapidement que l’enjeu pour Bello est de dépeindre, à travers le microcosme de Floride, l’individualisme et le manque d’aspirations d’une partie de la société américaine, tout affairée à courir après les dollars et à monétiser sa propre mort. La double narration, elle, permet de prendre la mesure de cette « american way of life », alternant la description macroéconomique du life settlement et l’observation de terrain que constitue le journal de Dan Siver. Mais en dépit de sa construction élaborée, a priori séduisante, le roman est une vraie déception. Roman Amércain souffre de deux défauts majeurs. Premièrement, son intérêt repose presque exclusivement sur les procédés...