En Suisse, au pays des horlogers et à la ponctualité proverbiale, nier l’existence du temps est un comble. C’est pourtant ce à quoi travaillent Peter Taler et le vieux Knupp dans le dernier roman de Martin Suter, Le Temps, le temps. Le titre résume bien la quête obsessionnelle des deux protagonistes pour abolir le passage des ans. Peter Taler a perdu sa femme, assassinée un an plus tôt et depuis, le temps s’est arrêté pour lui : il reproduit inlassablement les derniers moments de la dernière soirée avant le meurtre de Laura. Quant à son voisin Knupp, son ambition, qui ne lui vaut au départ que mépris et ironie de la part de Taler, est de supprimer toutes les modifications qu’a subi son quartier depuis la mort de sa femme, de le restaurer dans son état d’origine et ainsi, d’abolir la disparition de Martha Knupp. Peter Taler va peu à peu s’investir dans l’impensable projet de son voisin en échange d’informations sur le meurtre de sa compagne. Deux questions sont donc supposées tenir en haleine le lecteur : qui a assassiné Laura Taler ? La folle entreprise de Knupp a-t-elle une chance d’aboutir ? Il faut rendre grâce aux premières pages du roman qui distillent une certaine étrangeté. Une sourde inquiétude émane de ce quartier sans histoire dans lequel on espionne ses voisins et où un drame s’est produit un an auparavant. Mais au fil de la lecture, le roman, à l’instar de cette banlieue suisse qu’il décrit, devient monotone, ennuyeux et perd le sel de ces pages initiales. Volontairement, Suter reste très en surface de ses personnages et ne fait guère dans la psychologie. Mais ce parti pris se retourne contre lui, car in fine, il reste bien peu d’éléments auquel le lecteur...