Marie Darrieussecq a le don d’être en résonance avec les sujets d’actualité et de nourrir ses romans de son expérience. Son dernier roman, La Mer à l’envers, croise ainsi l’itinéraire d’un migrant nigérien et l’histoire d’une femme au tournant de sa vie. Partie en croisière sur la Méditerranée avec ses deux jeunes enfants, Rose, quadragénaire en pleine crise conjugale, fait une rencontre qui la bouleverse. Le 24 décembre, quand l’énorme paquebot recueille des migrants naufragés d’un petit chalutier, son regard croise celui de Younès, un adolescent nigérien. Et c’est une reconnaissance immédiate : « Si j’adoptais un enfant, ce serait lui. » Elle lui donne des vêtements, le portable de son fils. Les migrants débarquent en Italie, la croisière continue. Alors qu’elle est revenue à Paris, Rose reçoit un appel de Younès sur son portable. D’abord, elle ne répond pas, elle fuit, elle élude, elle hésite. Quelques mois plus tard, alors qu’elle a déménagé avec sa famille dans le Pays Basque, nouveau coup de fil : Il est blessé, épuisé. Elle part à Calais, le ramène, l’installe dans la chambre d’ami, le nourrit, le soigne. Le jeune migrant noir serait-il en train de devenir un nouveau personnage de roman? On pense aussi à Arcadie d’Emmanuelle Bayamack-Tam, à L’Archipel du chien de Philippe Claudel et à bien d’autres… Comme Vendredi, il est celui qui trouble, éblouit et remet en question. Mais Marie Darrieussecq n’écrit pas un livre sur les migrants et encore moins un livre à thèse. Dans La Mer à l’envers (que l’on peut entendre aussi comme la mère à l’envers) le personnage principal c’est Rose Goyenetche la « psychologue bizarre » qui soigne par imposition des mains, don qu’elle tient de sa grand-mère, la mère aimante et désarmée face à l’évolution de ses enfants, la quadragénaire qui...
Il faut beaucoup aimer les hommes, Marie Darrieussecq...
écrit par Guillaume Moreau
Marie Darrieussecq│Il Faut beaucoup aimer les hommes │ P.O.L │ 2013 Nous avions toutes les raisons du monde d’entrer à reculons dans le dernier roman de Marie Darrieussecq : la pente intellectualiste propre à P.O.L, le titre hommage à Marguerite Duras, patronage pour nous plus irritant que rassurant, la quatrième de couverture, à la limite du ridicule (« Une femme rencontre un homme. Coup de foudre. L’homme est noir, la femme est blanche. Et alors ? »)… Sans parler des vieilles accusations de plagiat qui ont émaillé par deux fois la biographie de cette docteur es Lettres, psychanalyste de surcroît. Néanmoins, la grande simplicité de cette histoire avait quelque chose d’attirant : Solange rencontre Kouhouesso à Hollywood, où elle exerce le métier d’actrice. Ils ont une histoire, puis se séparent. Le livre ne dépasse jamais les bornes de ce récit, vieux comme la littérature. Dès les premières pages, le roman met en avant la couleur de peau de l’amant. Kouhouesso est noir. Et de cela, Solange ne se remet jamais vraiment. Elle imagine, sous le grand corps d’ébène de l’homme qu’elle aime, l’exotisme de ses origines, une manière différente de penser le monde ; bref, une radicale étrangeté. Mais cette couleur de peau n’est que le symptôme d’une altérité bien plus grande. En effet, jamais Solange ne semble à même de saisir son amant, d’en comprendre les absences, les agacements, la distance puis les étreintes torrides. Tout le long du livre, la protagoniste attend son homme, espère qu’il va venir au bout de la nuit, patiente en voyageant, via Google Map, au cœur de l’Afrique, où elle pense dénicher son coeur. Elle est prête à le suivre au bout du monde, au bout surtout de son rêve à lui : filmer une nouvelle adaptation d’Au Cœur des ténèbres de...