De l’ardeur, récit à la fois très documenté et très personnel de Justine Augier retrace le destin tragique de Razan Zaitouneh, avocate syrienne et militante des droits de l’homme enlevée en 2013. Portrait d’une femme résistante au coeur de la Syrie en guerre. Dans la nuit du 9 au 10 décembre 2013, à Douma dans la banlieue de Damas, Razan Zaitouneh, 36 ans, est enlevée ainsi que son mari et deux compagnons de lutte. On est sans nouvelles d’eux à ce jour. L’enlèvement est attribué à un groupe salafiste, agissant selon certains sur ordre de Bachar-al-Assad. Justine Augier enquête, lit tout ce qui la concerne, les nombreux articles qu’elle a publiés, interroge ceux qui l’ont connue, en particulier sa soeur ainée, et tente de reconstituer l’itinéraire de cette femme qui la fascine. Avocate diplômée en 2000, Razan se spécialise dans les droits de l’homme; elle commence par assurer (gratuitement) la défense des islamistes arrêtés et détenus par le régime syrien. (Ironie du sort ce seront des islamistes qui l’enlèveront quelques années plus tard.) Bachar-al-Assad succède alors à son père, le pays croit à des réformes possibles, des prisonniers sont libérés. C’est le Printemps de Damas, brève période d’ouverture pour le peuple syrien, qui ne dure que huit mois. Les espoirs sont vite réprimés, le régime s’en prend aux activistes. Razan est de toutes les manifestations en faveur de la démocratie; elle crée avec d’autres l’Association syrienne des droits de l’homme; elle écrit aussi de nombreux articles publiés à l’étranger. En 2011, les forces gouvernementales tirent sur la foule et c’est le début du cycle infernal et sanglant de la révolution et de la répression. Razan Zaitouneh fonde alors le Centre de documentation des violations en Syrie où elle recense inlassablement les exactions du régime,...
Les Passeurs de livres de Daraya, Delphine Minoui...
écrit par Marie-Odile Sauvajon
C’est une histoire incroyable que nous rapporte la journaliste Delphine Minoui: dans la ville de Daraya assiégée par les forces syriennes, de jeunes combattants créent une bibliothèque clandestine. Des livres sous les bombes, rempart fragile et dérisoire; une histoire tragique et cependant pleine d’espoir. Daraya, ville de la banlieue de Damas réputée pour ses terres fertiles et son doux raisin, est devenue ville martyre. Dès 2002, les premiers mouvements d’opposition ont entraîné une répression sanglante. Après les manifestations de 2011 et 2012, la ville est assiégée et bombardée sans trêve par l’armée de Bachar al-Assad. Bombes barils, armes chimiques, la ville est en ruines. Dans la cité qui comptait 250 000 habitants avant la révolution ne subsistent plus que 12 000 survivants qui manquent de tout. Beaucoup ont pris le chemin de l’exil, d’autres sont morts. Sous les gravats, sous les décombres des écoles et des maisons, les combattants trouvent des livres, les récupèrent. Peu à peu, des milliers d’ouvrages sont stockés. Qu’en faire? En 2013, dans le sous-sol d’un immeuble, ils aménagent une bibliothèque avec ses rayonnages, son classement, son règlement comme un îlot d’ordre au sein du chaos, un îlot de culture et de démocratie. C’est ainsi qu’ils deviennent Les passeurs de livres de Daraya. Pour pallier la pénurie d’ouvrages et de papier, les titres les plus demandés sont téléchargés, consultés sur les portables, imprimés sur des feuilles A4 en caractères minuscules. Pour répondre à la soif de savoir de ces étudiants privés d’université, des cours d’anglais, de science politique, des projections de courts métrages sont organisés. La bibliothèque devient lieu de rencontre, de résistance et même d’édition d’une petite revue photocopiée où se mêlent poésie, conseils pratiques et auto-dérision. Mais que lit-on sous les bombes? Bien sûr, des classiques – Shakespeare,...