Une Histoire américaine, Armel Hostiou
Le titre, l’affiche, l’aura de film d’auteur suscitent la curiosité et l’appétit du spectateur. On ressort de la séance avec des sentiments mitigés : on a un peu ri, on a été un peu ému mais on est surtout très irrité par le personnage sur lequel repose tout le film…
Vincent est un trentenaire français. Il est à New York afin de reconquérir une femme, Barbara, qui l’a quitté. Elle lui annonce qu’elle lui a acheté un billet de retour pour Paris. A partir de là, Vincent s’accroche, s’entête et se livre aux figures imposées du mec lourd, de la bravade face au nouveau copain de Barbara à la visite impromptue chez elle le dimanche matin. Radieuse, une fille danoise rencontrée dans un bar l’accompagne durant une partie de son errance new-yorkaise.
Vincent (Macaigne) est un antihéros. Tout repose sur lui et pourtant il ne répond de rien. Il nous accompagne de sa voix éraillée jusqu’au générique de fin, mais on sait qu’on ne peut pas compter sur lui. Les mots qui viennent à l’esprit pour le qualifier renvoient à l’univers voire à l’esthétique de la dépression : hirsute, voûté, houellebecquien, pathétique enfin. La première scène avec Barbara nous le montre la nuit sur les rives de l’Hudson River. Mal à l’aise, il quémande un peu d’affection. Il fait le pitre, campe pour lui-même autant que pour celle qu’il dit aimer (on en doute jusqu’à la fin) un personnage très français : avec un very french accent, il se montre tour à tour spirituel, cynique, sensible, surtout préoccupé de ses propres effets. Et il en sera ainsi durant tout le récit : le personnage, très autocentré, rebelle post-adolescent, ne semble pas vouloir accepter le monde tel qu’il est. Son errance new-yorkaise est une fuite en avant, avec ce que cela peut avoir d’enivrant et de douloureux lorsque vient le moment inéluctable de faire les comptes. La dernière partie du film organise une rencontre avec Louise, la jeune sœur de Vincent, et leur père. L’image de l’adolescent attardé devient alors presque insupportable pour le spectateur comme pour le personnage lui-même, qui se fait alors plus sombre.
La caméra d’Armel Hostiou saisit avec vérité ce personnage et ses errances. Sans rien démontrer, au plus près de sa souffrance, le réalisateur lui insuffle une énergie quasi godardienne. Pourtant, le spectateur ne parvient pas à ressentir de l’empathie pour ce clown triste, qui choisit de faire les erreurs qu’il fait et qui, en somme, se complaît de façon banale dans le chagrin d’amour. C’est pourquoi on s’agace contre le personnage et une mise en scène qui hésite littéralement à prendre ses distances avec ce dernier. S’agit-il d’un théâtre de la cruauté ? Certes, il n’est pas plaisant de s’identifier à un tel personnage. Pour autant, on se reconnaît parfois dans cette âme qui touche le fond. Et on ressort de l’épreuve un peu plus vivant, comme régénéré.
D’ailleurs, qu’on aime ou non le personnage, quelque chose transcende notre rapport à lui : c’est ce qui advient dans la grande métropole. New-York, la ville qui ne dort jamais, est filmée comme le Paris de Baudelaire : lieu des possibles et de l’instant fugace. Sofie, la danoise solaire, incarne la vie incandescente de la grande métropole. Bien que l’idylle avec Vincent avorte de façon cruelle, il n’en reste pas moins qu’ils ont volé à la ville, prosaïque et fonctionnelle, des instants de plénitude et de poésie. Dans sa méchanceté furieuse et gratuite, Vincent pourrait crier comme le sujet baudelairien du « mauvais vitrier » : La vie en beau ! La vie en Beau !
Titre original : Une histoire américaine
• Réalisation : Armel Hostiou
• Scénario : Armel Hostiou, Vincent Macaigne, avec la participation de Léa Cohen
• Acteurs principaux : Vincent Macaigne, Kate Moran, Murray Bartlett
• Pays d’origine : France
• Sortie : 11 février 2015
• Durée : 1h25
• Distributeur : Ufo Distribution